Cette semaine je réalise que les Inuits, en tout cas ceux que je connais, n’ont aucune perception du long terme. Je n’ai jamais vu des gens vivre autant dans le moment présent. Et quand je parle de moment présent, je ne parle plus du côté philosophique voire épicurien du moment présent et du bonheur. Je parle tout simplement de l’engagement, des rendez-vous, de la planification, de l’agenda. À un certain point, tu ne peux pas juste te fier à l’instant présent. Quand ton prof te demande d’être là comme prévu et que tu réponds que tu seras là, on s’attend à ce que tu te présentes au rendez-vous. Ainsi, j’ai compris. Trois fois plutôt qu’une, qu’ici, ça ne servait à rien de se créer des attentes envers les gens et qu’il ne fallait pas se fier à leur parole quand le sujet de la conversation incluait les concepts d’heure, de rendez-vous, d’horaire, de journée suivante ou pire, des semaines prochaines.
Mercredi, à mon groupe de trois, j’annonçais que le lendemain on se verrait à la piscine à 11h00 plutôt que 10h. Le lendemain, j’étais au poste à 11h00 (je ne suis quand même pas dupe au point d’arriver à l’avance à mes cours…). Et j’ai attendu. Une heure plus tard, à 12h, il n’y avait toujours aucun signe de mes candidats. Pourtant, j’avais vu Jamie à l’extérieur de la porte de la piscine vers 11h30. Le saluant et lui faisant signe de rentrer à travers la fenêtre, il hocha de la tête en acquiesçant et me renvoya mes salutations. À ce moment, je croyais bien qu’il serait dans la piscine d’ici quelques minutes. À 12h, il n’était toujours pas entré dans l’enceinte de la piscine. J’apprenais le lendemain qu’il avait changé d’idée: rendu au vestiaire, il avait décidé de retourner chez lui. Ça ne lui tentait plus. Pour ce qui est des deux autres, ils ne se sont même pas montrés le bout du nez. Je rêve!
Puis jeudi après-midi, même chose. Seule à la piscine, j’attends mes trois candidats, sans me faire trop d'illusions. Évidement, personne. Je décide de les appeler pour leur dire de se présenter demain, vendredi 10h à la piscine. Par je ne sais quelle force, vendredi matin, 10h30, ils étaient tous là prêts à nager. Soulagée, j’ai pu enfin leur annoncer le plan de match de la journée ainsi que du week-end. Il ne me restait plus que jusqu’à lundi pour finir le programme et les évaluer. Ainsi, je leur spécifie que ce soir et samedi, un cours de premiers soins général sera donné et qu’il faudrait vraiment qu’ils y assistent. Malheureusement, Jamie et Jonathan m’indiquent qu’ils travaillent. Je convaincs cependant Darrel d’y être. Enfin, je rappelle aux gars que je termine le cours lundi par une évaluation et entraînement lundi matin 10h-12h et ensuite je les invite chez moi pour un dîner pour les remercier et souligner la fin du programme. Vendredi soir, Darrel est là, à mon plus grand étonnement, avec deux autres personnes du village qui suivront le cours également. À 22h30 le cours se termine et j’indique qu’on se revoit le lendemain à 10h00. – Ici, il faut spécifier qu’à chaque fois qu’il est question d’heure, je leur donne le choix. Quelle heure semble le mieux pour vous? Vous comprenez que j’ai 8h d’enseignement à vous donner, est-ce que vous préférez commencer tôt ou tard, etc… Tous s’accordent pour 10h00.
Samedi matin, je suis dans ma classe à 10h00. À 10h40, les deux personnes arrivent. Il manque toujours Darrel. Connaissant de plus en plus la routine, je décide d’aller appeler Darrel immédiatement. Il répond. Comme s’il n’avait jamais entendu parler du cours, il semble ne pas vouloir venir au cours. Je le convaincs, lui dis que je l’attends. D’un ton peu convainquant, il consent à venir au cours. Deux heures après avoir débuté le cours, je perds tout espoir de certifier Darrel en premiers soins général. Il fallait s’y attendre. Autre fait intéressant durant cette longue journée de cours : selon leur souhait, j’ai donné 1 heure pour dîner au couple qui suit le cours, ils en ont pris deux. Rien de moins. Pour ce qui est de Darrel, il m'apprenait lundi que samedi, le cours ne lui tentait tout simplement plus.
Puis samedi en après-midi, Jamie s’introduit pour venir voir le cours rapidement. Comme il est là, j’en profite pour lui rappeler l’horaire de lundi. Si j’ai appris quelque chose ici, c’est bien ça : quand tu croises ton monde, rappelle-leur leur prochain cours/rendez-vous/activité avec toi. Tel leur agenda personnel, tu auras plus de chance de les voir à ton cours le lendemain, s’il te consulte souvent. Donc, je lui rappelle l’horaire de lundi. Entraînement + dîner pour souligner la fin du cours. Et là, il me répond à demi-voix qu’il ne sait pas si il pourra être là, car il doit monter des tables de pool au Youth Center. Et moi de répondre que c’est la dernière journée du cours, vendredi, tu me disais que tu allais être là, et maintenant, rien n’est plus certain? Impossible pour toi de te libérer entre 10h-13h ? Pour vrai, il faut bien que tu manges dans ta journée! Jamie me regarde, un peu mal à l’aise, mais surtout déboussolé par un horaire aussi serré et me dit : on verra.
Finalement, lundi 10h, j'étais au rendez-vous. À 10h30, Jonathan était là, seul. Un peu plus d'une heure plus tard, les 2 autres arrivaient. Après 45 minutes de piscine, c'était l'heure de dîner. Deux personnes se sont présentées.
Morale : un jour à la fois c’est bien assez. Une chance que j’ai un petit côté j’aime-ça-rien-faire qui s’improvise une journée de temps en temps, car franchement mon côté planificateur et ordonné prendrait tout un coup ici.
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